Pour déployer leurs réseaux 5G dans l’Hexagone, les opérateurs de téléphonie français (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) doivent disposer des fréquences autorisées qui sont attribuées par l’État, d’où cette vente de spectre. Mais compte tenu de l’état actuel du marché - flambée des prix (jusqu’à 6,5 milliards d’euros) observée pendant les enchères pour l’attribution des fréquences 5G en Italie et en Allemagne - les opérateurs français redoutent qu’une hausse similaire des tarifs se produise en France.
À ce propos, l’autorité de régulation du secteur a tenu à mettre en garde contre la survenue possible d’un déséquilibre concurrentiel, à terme, du marché des télécoms en cas d’enchères hautes : « ;Si le gouvernement opte pour un prix de réserve trop élevé, cela favorisera les opérateurs qui ont les poches les plus profondes. Un groupe pourrait alors se retrouver au bout du compte avec deux fois moins de fréquences qu’un autre ;».
La taille exacte du fameux bloc attribué d'office aux opérateurs alimentait les tensions. Comme Free et Bouygues Telecom, l'Arcep militait pour un bloc plus large, de 60 MHz, permettant à tous les opérateurs d'avoir d'office une latitude convenable pour lancer la 5G, indépendamment de leurs capacités de financement. De l'autre, Bercy préconisait en revanche un bloc plus petit de 40 MHz. Le gouvernement a donc coupé la poire en deux, avec une solution qui pousse les opérateurs à participer aux enchères, car, selon ces derniers, un bloc de 50 MHz n'est pas suffisant pour faire de la 5G.
En mars, lors des enchères sur les 110 MHz, les opérateurs vont devoir miser pour obtenir des tranches supplémentaires de 10 MHz chacune, sans toutefois dépasser le plafond de 100 MHz par opérateur au final. En théorie, un opérateur pourrait donc obtenir à l'issue de l'attribution deux fois plus de fréquences qu'un autre. Aussi, certains s'inquiètent d'un risque d'éviction de certains acteurs du marché qui ne réussiraient pas à obtenir suffisamment de fréquences.
« Avec des blocs à 50 MHz, pour un total de 310 MHz, le risque est de voir un opérateur obtenir deux fois plus de fréquences qu’un autre », a indiqué Sébastien Soriano, président de l’Arcep dans une interview accordée au Figaro. Et d’ajouter qu’en disposant d’une bande fréquences deux fois plus large, « un opérateur pourra accueillir deux fois plus de clients sur son réseau qu’un autre, en leur offrant l’accès à deux fois plus de données en mobilité, avec des débits deux fois supérieurs. Pour l’un ce sera 750 Mbits/s pour l’autre 1,5 Gbit/s. Or c’est un élément structurant du marché ». Reste aussi que les quatre opérateurs n’ont pas la même force financière, Orange et SFR ont un portefeuille plus conséquent. D’où l’importance d’un prix de réserve bas. Fin novembre, le gouvernement a opté pour un prix plancher de vente du spectre 5G à 2,17 milliards d’euros.
Le gouvernement a indiqué dans un communiqué avoir fixé le prix d'un bloc de 50 MHz à 350 millions d'euros et le prix d'un bloc supplémentaire de 10 MHz à 70 millions d'euros. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, Agnes Pannier-Runacher, a déclaré dans le communiqué que le gouvernement et le régulateur français des télécommunications Arcep avaient conçu un mécanisme qui permet de vendre des blocs de base de 50 MHz à un prix fixe aux opérateurs de télécommunications. En retour, les opérateurs ont de fortes obligations pour déployer leur réseau sur le territoire français, a-t-elle expliqué.
« Ces engagements de couverture 5G sont beaucoup plus ambitieux que dans d'autres pays européens et constitueront à l'avenir un élément fort de la compétitivité de notre pays », a-t-elle déclaré.
Parmi les obligations qui seront imposées à tous les lauréats au terme de la procédure d’attribution, figurent :
- Un déploiement de la 5G en bande 3,4 – 3,8 GHz : Le cahier des charges prévoit d’imposer l’ouverture de la « 5G » dans au moins deux villes par opérateur avant la fin 2020 puis une trajectoire exigeante pour soutenir les déploiements des équipements en bande 3,4 – 3,8 GHz au cours des années suivantes :
- 3 000 sites en 2022 ;
- 8 000 sites en 2024 ;
- 10 500 sites en 2025.
À terme, la totalité des sites devront fournir un service de type 5G, pouvant s’appuyer sur les fréquences de la bande 3,4 – 3,8 GHz ou d’autres bandes.
L’Arcep prévoit également un mécanisme de concomitance pour s’assurer que les zones non urbaines bénéficieront aussi de ces déploiements. Ainsi, 25 % des sites en bande 3,4 – 3,8 GHz des deux derniers jalons devront être déployés dans une zone rassemblant les communes des zones peu denses et celles des territoires d’industrie, hors des principales agglomérations. - Une généralisation de la 5G jalonnée par un accroissement des débits : Pour accompagner cette montée en charge, l’Arcep prévoit également de répondre aux besoins croissants de bande passante. Dès 2022, au moins 75% des sites devront bénéficier d’un débit au moins égal à 240 Mbit/s au niveau de chaque site. Cette obligation sera progressivement généralisée à tous les sites jusqu’à 2030.
- La couverture d’axes routiers : Les obligations des axes de transport, comportent deux grands jalons : en 2025, la couverture des axes de type autoroutier (soit 16 642 km), puis en 2027, la couverture des routes principales (soit 54 913 km). Ces obligations prévoient au moins des débits de 100 Mbit/s au niveau de chaque site.
- Des offres de services différenciés (slicing) : Les nouvelles performances de la 5G ouvrent la voie à des usages innovants dans de nombreux secteurs de l’économie comme l’industrie (fabrication de haute précision, suivi logistique d’un très grand nombre d’objets, multiplication des capteurs), la santé (opérations à distance en temps réel), l’automobile (communications ultra-fiables à très faible latence pour les véhicules) ou les médias (réalité virtuelle en 3D à 360°). Ils attendent des réseaux et des offres sur mesure, répondant à leurs besoins spécifiques. Pour cela, l’Arcep demande aux opérateurs d’activer les fonctions les plus innovantes de la 5G – le « slicing » ou la capacité de « services différenciés » – au plus tard en 2023.
- La compatibilité avec IPv6 : Par ailleurs, pour accélérer la transition vers le protocole de routage IPv6, l’Arcep prévoit une obligation pour rendre les réseaux mobiles compatibles avec celui-ci.
Dans une déclaration distincte, l'Arcep a noté que les paiements pour les blocs de 50 MHz pourraient être échelonnés sur 15 ans et les paiements pour les 10 MHz sur quatre ans.
La 5G devrait permettre aux utilisateurs d’appareils connectés de bénéficier d’un réseau plus performant en leur procurant une meilleure bande passante pour réduire les temps de latence, des vitesses de connexion accrues comparées à la 4G et le support de contextes multipériphériques de faible puissance requis pour l’essor de l’Internet des objets. En outre, la 5G est déjà disponible dans neuf pays de la zone euro, dont l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Irlande, l’Allemagne et l’Italie, ce qui fait de la France l’un des derniers grands pays du continent à adopter cette nouvelle technologie.
Source : Reuters
Voir aussi
La 3GPP jette les bases de la vraie 5G en finalisant la 5G SA, la version 15 de la norme, pas de véritables appareils compatibles 5G avant 2020 ?
USA : La Maison-Blanche inscrit la 5G dans la stratégie de sécurité nationale, d'après un rapport publié par l'administration Trump
Technologie 5G : la France dégaine la « loi Huawei », ou plutôt une « réponse technique et technologique à un problème technique et technologique. »
Une femme allergique au Wi-Fi dort dans un sac de couchage spécial qui bloque les champs électromagnétiques, elle craint que l'introduction de la 5G ne la tue