
Néanmoins, certains pays ont déjà commencé le processus d’octroi de la 5G, sans avoir banni l’équipementier Huawei. C’est le cas de l’Allemagne qui a lancé, le mardi 19 mars dernier, une vente aux enchères de plusieurs semaines pour les fréquences 5G qui devrait rapporter jusqu'à 5 milliards d'euros (5,7 milliards de dollars), après avoir proposé des règles de sécurité plus strictes pour les réseaux de données plutôt que de faire blocage à Huawei.
La France n’a plus de temps à perdre, le lancement des appels d’offres pour attribuer les fréquences 5G aux opérateurs étant prévu pour l'automne prochain. Elle a donc intérêt à fixer au plus vite les règles qui vont orienter ce processus afin de limiter les risques. C’est ainsi qu’un nouveau texte de loi a été initié à l’Assemblé nationale le mercredi dernier. Le contexte a été rappelé par le rapporteur de la loi, le député LaREM, Eric Bothorel, qui a expliqué qu’avec les nouveaux usages très étendus que promet cette nouvelle technologie ultra-rapide dans les domaines de mobilité, e-santé, industrie, robotique, et bien d’autres domaines, « notre niveau d’exposition aux risques devient un peu plus important. Il faut donc faire évoluer le périmètre pour s’assurer que les usages puissent se dérouler dans de bonnes conditions. », a-t-il dit.
Les opérateurs télécom doivent s’attendre à avoir l’autorisation des autorités avant de choisir les équipements dans le cadre du déploiement de la 5G. Selon un article de RFI publié le mercredi, en fonction de plusieurs critères, le Premier ministre sera l’autorité habilitée à autoriser les équipements qui ne constitueront pas un risque pour la défense ou la sécurité nationale.
Les risques liés aux équipements de la 5G que redoutent les pays, y compris la France, ne devraient pas être seulement d’ordre de la sécurité nationale et de l’origine de l’équipementier comme évoqué dans les arguments de campagne des Etats-Unis, mais également de niveau logiciel et des pratiques d’ingénierie du géant chinois Huawei. En effet, le rapport Huawei Cyber Security Evaluation Centre (HCSEC) Oversight Board 2019 publié en mars par le Comité de surveillance du HCSEC, a averti que Huawei n’avait pas apporté les modifications promises depuis longtemps au niveau de son logiciel et de ses pratiques d’ingénierie, des modifications pourtant indispensables à l’amélioration de la sécurité.
En effet, un précédent rapport du gouvernement britannique publié en juillet 2018 avait révélé que des problèmes techniques, affectant la chaîne d’approvisionnement des équipements du groupe chinois et qui avaient exposé les réseaux de télécoms nationaux à de nouveaux risques de sécurité, existaient. Depuis lors Huawei avait promis des investissements importants pour résoudre ces problèmes de cybersécurité afin de rassurer ses clients occidentaux. Toutefois, les responsables britanniques ne sont toujours pas satisfaits, selon le rapport 2019.
« Les travaux de HCSEC ont continué à identifier les problèmes liés à l’approche de Huawei en matière de développement de logiciels, entraînant une augmentation significative des risques pour les opérateurs britanniques », ont noté les membres du Comité de surveillance. Ils estiment en outre qu’aucun progrès matériel n’a été accompli pour remédier à ces problèmes depuis leur constatation précédente, au contraire, des audits et examens ont mis en évidence « d’autres problèmes techniques importants dans les pratiques d’ingénierie de Huawei ».
Cette nouvelle loi de la France était attendue par les opérateurs pressés de comprendre la situation afin de faire le choix de partenariat dans leur future mise en œuvre de la technologie 5G. Selon RFI, Philippe Lucas, vice-président d’Orange, chargé de la standardisation et du développement des écosystèmes, « souhaite avant tout que la situation se clarifie. Ensuite, on verra si chacun des industriels répond aux besoins ou aux cahiers des charges qui seront fixés par le régulateur. On est au début d’un nouveau processus. On encourage nos partenaires opérateurs européens à contribuer à ces cadres de sécurité. D’où l’importance aussi d’avoir une saine concurrence sur les équipementiers au niveau infrastructures pour que nos clients puissent en bénéficier à des coûts raisonnables ».
En effet, en ce début d’un nouveau processus décisif pour les opérateurs télécom, ils s’attendent à signer avec des partenaires qui couvent leurs besoins de déploiement technologique, mais également, ils s’attendent à ce que plusieurs équipementiers soient dans la course, ce qui pourrait réduire les tarifs pour le bonheur des clients. Pour l’instant, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia sont en lice en Europe. Quant à Huawei, s’il n’est pas banni par la pression américaine sur ses alliés européens, son entrée en liste est encore soumise à certaines conditions contenues dans des règles plus strictes que les pays européens sont en train de mettre en œuvre.
La France, en train d’adopter une « réponse technique et technologique à un problème technique et technologique. »
Certains partenaires des Etats-Unis, comme le Japon, l’Australie, et la Nouvelle-Zélande, ont déjà cédé à la pression américaine et ont déjà écarté le géant chinois de la 5G. Huawei n’est encore banni par aucun pays européen. La Commission européenne a, par ailleurs, déjà lancé un plan pour sécuriser la 5G qui ne mentionne pas Huawei. C’est également le cas dans la loi, apparemment imperméable à toutes les pressions, en cours d’élaboration à l’Assemblée nationale française, selon RFI.
« La meilleure façon d’y répondre, ce n’est pas de désigner un acteur parce qu’il aurait telle ou telle nationalité. Sans être ni naïf ni paranoïaque, il faut conduire une proposition de loi qui est de nature à rassembler tous les éléments qui permettent de sécuriser les réseaux, et qui s’appliquent à tous. C’est la meilleure façon de ne pas succomber à des logiques géopolitiques. », a déclaré le député Bothorel. Le rapporteur de la loi a également réfuté l’appellation « loi Huawei » que la presse française a adoptée, et parle plutôt d’une « réponse technique et technologique à un problème technique et technologique. »
Quelle que soit la position des uns et des autres, ceux qui l’ont déjà banni ou pas encore, Huawei demeure un acteur majeur dans le cadre du futur déploiement de la technologie 5G. N’eût été la pression constante des Etats-Unis en Europe, Huawei serait le partenaire naturel dans plusieurs pays européens. Le groupe chinois semble même avoir pris plusieurs longueurs d’avance dans le domaine de recherche, selon RFI. Il a, par ailleurs depuis un certain temps, commencé à se défendre face à la pression américaine et à multiplier les initiatives pour rassurer les pays européens, y compris la France. C’est dans ce contexte que la France s’engage dans le processus de la 5G sans avoir banni Huawei, après une visite européenne du président chinois Xi Jinping.
Dans le contexte de ces efforts continus de Huawei, permettre aux industriels européens de lutter à armes égales serait une piste pour éviter de dépendre de la technologie chinoise, d’après RFI. Plusieurs utilisateurs d’un site web communautaire d’actualités sociales seraient même prêts à croire en la qualité de la technologie Huawei à l’exception du niveau logiciel de la firme qu’ils jugent est en retard.
Source : RFI
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