Meta, déjà copropriétaire de 16 réseaux de câbles sous-marins, envisage de lancer un projet inédit entièrement sous son contrôle. Ce nouveau câble, conçu pour prioriser les besoins de l’entreprise, reflète une stratégie similaire à celle de Google, qui détient en propre plusieurs itinéraires de câbles et a investi dans 33 autres.
En 2021, Google a lancé son 14ᵉ câble sous-marin, conçu pour améliorer la capacité et la résilience du réseau Google Cloud. Long de 6 437 km, ce câble offre une capacité impressionnante de 250 térabits par seconde, équivalente à transmettre trois fois la totalité de la Bibliothèque du Congrès numérisée chaque seconde. Ce système relie Virginia Beach, aux États-Unis, à Saint-Hilaire-de-Riez, en France. Baptisé Dunant, en hommage à Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge et premier lauréat du prix Nobel de la paix, ce câble renforce la diversité et l'interconnexion avec d'autres infrastructures régionales.
En octobre 2022, Google a également dévoilé Equiano, un câble sous-marin de nouvelle génération au Cap, en Afrique du Sud, après un investissement d’un milliard de dollars. Annoncé en 2019, ce câble longe la côte ouest de l'Afrique, reliant le Portugal à l'Afrique du Sud, avec des points d’extension permettant de connecter d'autres pays africains. Il s’agit du câble de la plus grande capacité jamais déployé en Afrique, soulignant l’engagement de Google envers l’amélioration de la connectivité sur le continent.
Le câble partirait de la côte est des États-Unis pour revenir à la côte ouest, en passant par des hubs stratégiques en Inde, en Afrique du Sud et en Australie. Le projet vise à contourner les zones géopolitiquement instables où les coupures de câbles sont fréquentes, nécessitant des interventions complexes via un réseau mondial de navires spécialisés.
Rupture simultanée de deux câbles sous-marins en mer Baltique
Deux câbles Internet sous-marins situés en mer Baltique ont été sectionnés à moins de 24 heures d’intervalle, l’un reliant la Finlande à l'Allemagne et l’autre la Lituanie à la Suède. Bien que des dommages accidentels à ces infrastructures puissent survenir, de tels incidents restent rares. Leur survenue presque simultanée a conduit certains responsables européens à suspecter un acte de sabotage, bien que la piste accidentelle ne soit pas totalement exclue.
Les perturbations causées restent limitées, selon les opérateurs. Par exemple, Telia Lithuania a signalé une coupure affectant le câble entre la Lituanie et la Suède le 17 novembre 2024, vers 10 heures, heure locale. Cette rupture a réduit d’environ 20 % la capacité Internet de la Lituanie. L’entreprise a identifié des dommages physiques comme la cause probable après avoir constaté une interruption du trafic.
Ces événements mettent en lumière la vulnérabilité des câbles sous-marins, essentiels au transit de 99 % des données mondiales et souvent pris pour acquis. Leur rôle stratégique dans les communications les expose à des menaces dans un contexte de guerre hybride, où les infrastructures critiques deviennent des cibles potentielles.
Les défis de la construction du câble sous-marin de Meta
Sunil Tagare, spécialiste des câbles sous-marins, a révélé en octobre que ce projet, surnommé « W » en raison de sa forme, nécessiterait 10 milliards de dollars et s’étalerait sur 5 à 10 ans pour être finalisé. Cela s’explique par le nombre limité d’entreprises capables de construire une telle infrastructure, comme SubCom, qui est déjà fortement sollicitée par des clients majeurs tels que Google.
« L’offre de navires câbliers est très restreinte », explique Ranulf Scarborough, analyste spécialisé dans l’industrie des câbles sous-marins. « Ces navires sont coûteux et souvent réservés pour plusieurs années. Trouver les ressources nécessaires pour un déploiement rapide est un véritable défi. » Scarborough suggère qu’un scénario probable pourrait consister à construire le câble par segments.
Une fois achevé, le projet offrirait à Meta une voie dédiée pour son trafic de données à l’échelle mondiale. D’après certaines sources, l’itinéraire du câble suivrait une trajectoire en « W » : reliant la côte est des États-Unis à l’Inde via l’Afrique du Sud, puis revenant à la côte ouest des États-Unis en passant par l’Australie. Cette configuration unique vise à garantir un réseau robuste et résilient. L’initiative est encore au stade préliminaire, et Meta prévoit de dévoiler des détails supplémentaires, tels que la capacité, le tracé exact et les motivations derrière cette construction privée, début 2025.
Le projet ambitieux de Meta visant à construire un câble sous-marin mondial soulève des questions complexes sur la résilience des infrastructures critiques, leur gouvernance et les implications géopolitiques. Bien que ce câble puisse offrir des avantages considérables, notamment en matière de contrôle, de capacité et de résilience pour les services de Meta, plusieurs défis stratégiques et sécuritaires émergent.
D'une part, le projet illustre une tendance préoccupante vers la privatisation de l’infrastructure mondiale de communication, avec des entreprises géantes comme Meta et Google exerçant un contrôle croissant sur des ressources essentielles. Cela pose des risques pour la neutralité et l’accès équitable à ces réseaux, ainsi qu'une vulnérabilité accrue en cas de sabotage ciblé.
D'autre part, l’idée que l’itinéraire évite les « zones de tension géopolitique » paraît simpliste. Aucune région n'est entièrement exempte de risques politiques, et des pays considérés comme stables aujourd’hui pourraient devenir instables demain. Par ailleurs, la surveillance et la protection des câbles sous-marins, situés dans des eaux internationales, sont extrêmement difficiles. Cela en fait des cibles idéales pour des acteurs malveillants, qu’il s’agisse de nations ou de groupes non étatiques.
Enfin, ce projet met en évidence la nécessité d’un cadre international pour la protection des infrastructures sous-marines critiques. Actuellement, les mécanismes de réponse en cas de sabotage sont limités, ce qui souligne l’importance d’une coopération mondiale renforcée pour garantir la sécurité des communications numériques face aux menaces hybrides.
En somme, si ce câble pourrait représenter une avancée technologique et un atout stratégique pour Meta, il accentue également des enjeux fondamentaux en matière de souveraineté numérique, de résilience et de gouvernance mondiale des infrastructures critiques.
Source : Sunil Tagare, expert in submarine cables
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