
La sécurité des câbles en mer Baltique devient une préoccupation majeure
La croissance rapide du nombre d'internautes et la demande d'une plus grande largeur de bande ont entraîné une expansion fulgurante et incessante du réseau mondial de câbles sous-marins. La mer Baltique est une région stratégique qui accueille un nombre important de ces câbles Internet. Cela dit, l'expansion rapide du réseau a également augmenté les risques que ces câbles soient endommagés et a créé de nouvelles possibilités d'attaques et d'espionnage.
Les câbles sous-marins sont plus rapides, moins chers et plus fiables que d'autres solutions telles que les satellites, ce qui les rend indispensables à la vie moderne. Cependant, bien qu'ils soient généralement recouverts d'une armure de protection lorsqu'ils reposent au fond de la mer, ils restent vulnérables.
Au cours des cinq derniers mois, plusieurs ruptures de câbles sous-marins de télécommunication ont été signalées en mer Baltique. Ces incidents répétés ont suscité des préoccupations quant à la sécurité de ces infrastructures critiques. Voici quelques-uns des incidents recensés sur cette période :
Novembre 2024 : rupture de deux câbles
- rupture du câble BCS East-West Interlink : ce câble reliant la Lituanie à la Suède a été sectionné le 17 novembre 2024 ;
- rupture du câble C-Lion1 : ce câble connectant la Finlande à l'Allemagne a été sectionné le 18 novembre 2024.
Décembre 2024 : rupture de quatre câbles
- rupture de deux câbles exploités par Elisa : ces câbles relient Helsinki (Finlande) à Tallinn (Estonie) et ont été sectionnés le 25 décembre 2024 ;
- rupture d'un câble appartenant à CITIC Telecom : ce câble a été endommagé le 25 décembre 2024 ;
- rupture du câble C-Lion1 : déjà endommagé en novembre 2024, ce câble a subi de nouveaux dommages le 25 décembre 2024.
Janvier 2025 : un câble endommagé
- En janvier 2025, un câble reliant la Lettonie à l'île suédoise du Gotland a été endommagé, entraînant des perturbations dans les transmissions de données.
Février 2025 : dommages causés à un câble
- Le 21 février 2025, des dommages ont été signalés sur un câble reliant la Finlande à l'Allemagne, avec des soupçons de sabotage dans une zone à l'est de l'île du Gotland.
Ces incidents ont conduit à des enquêtes approfondies pour déterminer leurs causes. Les conclusions n'ont toujours pas été tirées. En attendant, les pays membres de l'OTAN ont déployé des mesures de surveillance accrues pour renforcer la protection de ces infrastructures essentielles.
Ces incidents soulignent également la vulnérabilité des câbles en mer Baltique, souvent situés dans une région marquée par des tensions géopolitiques croissantes. Bien que certains incidents soient attribués à des causes accidentelles, comme les ancres de navires, d'autres suscitent des soupçons de sabotage.
La Russie et la Chine suspectées d'actes de sabotage par les Européens
Selon Matt Mooney, analyste chez Recorded Future, entre 100 et 200 pannes de câble se produisent chaque année, principalement en raison des dommages accidentels causés par les ancres de navires et les chalutiers de pêche. Cependant, Matt Mooney a souligné que le schéma associé aux pannes de câble qui se sont produites dans la mer Baltique au cours des 15 derniers mois rend improbable le fait qu'aucune d'entre elles n'ait été « intentionnelle ».
Par exemple, dans le cas des incidents survenus en novembre 2024, l'enquête menée conjointement par la Suède et la Finlande s'est concentrée sur un cargo : le Yi Peng 3, qui appartient à des Chinois. La présence de ce navire à l'endroit et à l'heure des deux coupures de câble a conduit le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, à évoquer un acte de sabotage. Les soupçons ont été alimentés par le comportement du navire à proximité des câbles.
La vitesse du navire a été réduite à l'approche des deux câbles, et son transpondeur a été désactivé lorsqu'il est passé au-dessus le câble C-Lion1. Les investigations ont révélé des traces de traînée sur le fond marin et une ancre tordue sur le navire, ce qui suggère un mouillage intentionnel de l'ancre.
Au cours des cinq dernières années, plusieurs autres pannes d'infrastructures sous-marines ont été jugées suspectes par les experts. Bon nombre de ces incidents se sont produits dans la mer Baltique, la région qui abrite la plupart des câbles sous-marins européens ainsi que des pipelines énergétiques stratégiques. Ses fonds marins relativement peu profonds, combinés à une forte activité maritime, rendent l'infrastructure particulièrement vulnérable.
Mais les incidents suspects ne se limitent pas à la mer Baltique. En avril 2021, une section de 12 tonnes d'un câble appartenant à l'observatoire océanique norvégien Lofoten-Vesterålen a été arrachée, provoquant une panne. L'enquête a révélé que le câble avait été coupé net, ce qui laisse supposer un acte délibéré. Le chalutier russe Saami avait effectué des manœuvres suspectes dans la zone, passant et repassant au moins quatre fois au-dessus du câble.
Il se trouvait juste au-dessus du câble au moment de la panne. Huit mois plus tard, un câble de communication reliant la Norvège continentale au Svalbard a été endommagé. Le câble avait été enfoui sous le fond marin pour le protéger. Des images ont révélé que de profondes tranchées avaient été creusées dans la boue, ce qui suggère un acte délibéré. Les chalutiers russes Melkart 5 et Yagry se trouvaient dans la zone et avaient un comportement suspect.
Les propriétaires des navires ont nié tout acte répréhensible. La nature complexe du transport maritime mondial fait qu'il est difficile de déterminer clairement les responsabilités. Les navires opèrent souvent sous des « pavillons de complaisance », qui permettent à leurs propriétaires d'enregistrer le navire dans des pays qui offrent des réglementations plus souples et davantage d'anonymat, et les équipages sont souvent recrutés dans différents pays.
Certains responsables du renseignement écartent la piste du sabotage
Certaines autorités européennes privilégient la piste du sabotage et la flotte fantôme russe est l'un des principaux suspects. Mais des responsables des services de renseignement européens et américains ont écarté cette hypothèse, expliquant que l'endommagement des câbles a été causé par des accidents maritimes et non par des actes de sabotage. Cette déclaration est toutefois controversée en raison du comportement suspect des navires impliqués.
Tout en restant prudent sur l'identification des coupables des récents événements, Matt Mooney estime que la nature suspecte de ces incidents est préoccupante. Plusieurs gouvernements occidentaux ont condamné ce qu'ils considèrent comme une campagne de sabotage visant à déstabiliser les alliés de l'OTAN.
[QUOTE=Matt Mooney]
Je pense que les pays adversaires vont très probablement continuer à adopter la zone grise ou la guerre hybride contre l'Occident. C'est un moyen d'infliger des dommages économiques, d'entraver les capacités militaires, de provoquer des perturbations sociétales, et cela s'intensifiera[/quote=matt mooney]...
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