Contexte et objectifs du projet
L’initiative s’inscrit dans le cadre du programme "IRIS²" (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite), lancé en 2022 par la Commission européenne. Ce programme a été conçu pour renforcer la souveraineté numérique de l’UE et réduire la dépendance aux infrastructures privées ou étrangères, notamment américaines et chinoises. Le besoin de telles capacités satellitaires a été exacerbé par les récentes crises internationales, notamment la guerre en Ukraine, où les systèmes comme Starlink ont joué un rôle déterminant pour maintenir les communications sur le terrain.
Le contrat signé marque le début de la construction de cette constellation, qui devrait être pleinement opérationnelle d’ici 2027. Elle permettra de fournir des services de connectivité à haut débit, sécurisés et fiables, tant pour les institutions publiques que pour les entreprises privées et les citoyens européens.
Les spécificités techniques de la constellation
La constellation IRIS² sera composée de centaines de satellites placés en orbite basse (LEO) autour de la Terre. Cette configuration est similaire à celle de Starlink, qui mise sur des satellites LEO pour offrir une couverture globale et une latence réduite par rapport aux satellites en orbite géostationnaire (GEO). Cependant, IRIS² vise à se démarquer en intégrant des technologies avancées dans plusieurs domaines clés.
La Commission explique :
IRIS² constitue le troisième programme phare de l'Union européenne conçu pour relever les défis majeurs sur le long terme en matière de sécurité, de sûreté et de résilience. En offrant des services de connectivité avancés aux utilisateurs gouvernementaux et en comblant les lacunes en matière de connectivité dans l'ensemble de l'Union, IRIS² soutient l'autonomie stratégique et la primauté technologique de l'Europe.
Le système IRIS² mettra à profit les avantages uniques qu'offrent à la fois les satellites en orbite terrestre moyenne (MEO) et les satellites en orbite terrestre basse (LEO). Cette constellation à la pointe de la technologie fournira:
Le système IRIS² mettra à profit les avantages uniques qu'offrent à la fois les satellites en orbite terrestre moyenne (MEO) et les satellites en orbite terrestre basse (LEO). Cette constellation à la pointe de la technologie fournira:
- des services de connectivité sécurisée pour les États membres de l'UE et les autorités gouvernementales;
- du haut débit pour les entreprises privées et les citoyens européens, incluant la couverture de zones bénéficiant de peu de connectivité.
Enjeux stratégiques et géopolitiques
La signature de ce contrat s’inscrit dans un contexte international marqué par une course effrénée à la domination de l’espace. Les États-Unis, avec Starlink, et la Chine, avec ses projets de constellations similaires, ont pris une avance significative dans le domaine des communications satellitaires. Pour l’UE, il s’agit non seulement de rattraper ce retard, mais aussi de garantir que l’Europe puisse définir ses propres règles et normes dans un secteur stratégique.
L’autonomie numérique est devenue une priorité pour l’UE, notamment face à la montée des tensions géopolitiques et aux préoccupations liées à la dépendance envers des technologies étrangères. En investissant massivement dans IRIS², l’Europe envoie un message clair : elle entend jouer un rôle central dans la nouvelle économie spatiale et protéger ses intérêts stratégiques.
Timo Pesonen, directeur général de la Commission chargé de la défense, de l'industrie et de l'espace, a souligné l'importance stratégique pour l'Europe de disposer de son propre réseau de communication spatiale. Une connectivité autonome et sécurisée est « impérative » pour l'UE, a-t-il déclaré. « Iris² sous-tend notre autonomie stratégique et notre capacité de défense, favorise notre compétitivité et dynamise la coopération entre les secteurs public et privé », a-t-il ajouté.
SpaceRise, qui regroupe notamment les entreprises européennes de l'espace et des communications Airbus, Deutsche Telekom, Telespazio et Thales, disposera d'une concession de 12 ans pour la conception, la construction et l'exploitation d'Iris².
Envoyé par Commission européenne
Eutelsat, l'opérateur français de satellites fortement endetté qui comptait sur Iris² pour l'aider à financer le développement de sa prochaine génération de satellites OneWeb, investit 2 milliards d'euros dans le projet en tant que plus gros investisseur du secteur privé.
Eva Berneke, directrice générale, a déclaré que l'investissement était plafonné et ne serait pas nécessaire avant 2028, lorsque la production commencera. Cependant, OneWeb serait en mesure d'intégrer plus tôt la technologie développée pour Iris² dans ses propres nouveaux satellites. « Nous avons accès, et peut-être même plus rapidement, aux technologies dont les coûts sont, dans une très large mesure, financés par des fonds publics », a-t-elle déclaré.
Le programme devrait offrir une réserve de contrats à l'industrie spatiale européenne, qui a du mal à s'adapter au passage des grands satellites de communication en orbite géostationnaire, à quelque 36 000 km d'altitude, à des méga-constellations d'engins spatiaux plus petits en orbite terrestre basse - la région de l'espace située jusqu'à 2 000 km d'altitude.
Impacts économiques et sociétaux
Thales et Airbus, les deux plus grands fabricants européens de satellites, ont annoncé ces derniers mois des milliers de suppressions d'emplois pour faire face au déclin de leurs activités géostationnaires traditionnelles.
Dans son rapport sur la compétitivité européenne publié en septembre dernier, l'ancien premier ministre italien Mario Draghi a constaté que le service de haut débit par satellite Starlink de Musk, avec plus de 6 000 engins spatiaux fournissant des services de communication à plus de 100 pays, « perturbait les opérateurs et les fabricants européens de télécommunications ».
Les ventes commerciales et à l'exportation dans le secteur sont tombées à des niveaux proches de ceux de 2009, et l'UE est maintenant à la traîne « derrière les États-Unis en ce qui concerne la propulsion des fusées et les méga-constellations pour les récepteurs et les applications de télécommunications et de satellites, un marché beaucoup plus important que les autres segments spatiaux », a constaté Draghi.
Le programme n'attribuera pas les contrats en fonction de l'investissement d'un pays
Josef Aschbacher, directeur général de l'Agence spatiale européenne, a déclaré que le programme « encouragerait l'innovation dans l'industrie spatiale européenne, stimulerait la compétitivité européenne [et] créerait des emplois ».
On espère également qu'Iris² contribuera à atténuer certaines des divisions qui menacent la collaboration franco-allemande, alors que l'UE tente d'introduire la concurrence dans la passation des marchés de services de lancement et de transport de fret dans l'espace. Au début de l'année, l'Allemagne a fait part de ses inquiétudes quant au coût et à la répartition probable des tâches dans le cadre d'Iris², ont confirmé deux personnes proches du dossier aux médias.
Philippe Baptiste, président de l'agence spatiale française CNES, a insisté sur le fait qu'il n'y avait aucune garantie que les entreprises françaises dominent le travail sur Iris², car le programme n'attribuera pas les contrats sur la base de l'investissement d'un pays.
Au contraire, les opérateurs de satellites à la tête du consortium seront autorisés à choisir les fournisseurs les plus compétitifs. « Je serais heureux d'avoir une charge de travail importante en France, mais cela n'est pas garanti. Si Thales ou Airbus veulent une part importante, ils doivent être très bons et très compétitifs », a-t-il déclaré.
Baptiste a estimé qu'Iris² stimulerait la compétitivité européenne : « Nous étions autrefois des leaders incontestés en Europe dans le domaine des télécommunications spatiales. Mais aujourd'hui, le marché s'oriente clairement vers l'orbite basse ». Et d'ajouter : « Il est important non seulement pour l'agenda stratégique de l'Europe, mais aussi pour les entreprises d'acquérir un leadership technologique. Elles doivent être compétitives ».
Source : Commission européenne
Et vous ?
Quels sont les risques pour l’Union européenne si elle reste dépendante des constellations satellitaires étrangères comme Starlink ou les projets chinois ?
La constellation IRIS² contribuera-t-elle à réduire la fracture numérique en Europe, ou faudra-t-il d’autres initiatives complémentaires ?
La création d’une telle constellation satellitaire représente-t-elle un investissement rentable à long terme, ou pourrait-elle devenir un gouffre financier ?
Quelles opportunités économiques ce projet peut-il offrir aux PME et aux start-ups européennes spécialisées dans les technologies spatiales ?
Comment éviter que ce projet ne profite principalement aux grands groupes comme Airbus et Thales, au détriment de la diversité économique du secteur spatial européen ?