Netflix, la plateforme américaine de streaming vidéo, représentait l’an dernier près de 20 % du trafic internet en France, selon les chiffres communiqués par l’Arcep. Elle devance ainsi Google (10,5 %), Meta (8,2 %), Amazon (7 %) et Akamai (8,9 %), un réseau informatique qui héberge notamment la plateforme Disney+. Le reste du trafic (46 %) provient d’une grande diversité d’acteurs, comme Twitch (3 %) ou Canal+ (2,6 %).
Cette répartition indique une concentration de plus en plus nette autour de quelques acteurs, qui profitent de l’essor de la consommation de films sur catalogue et séries par abonnement, TV en rattrapage et vidéos sur les réseaux sociaux. Cette consommation importante des ressources du réseau français a conduit plusieurs de ces acteurs, comme Netflix, à s’équiper de leur propre infrastructure de distribution, de sorte à rapprocher leurs contenus des usagers, et à optimiser les formats de compression.
Envoyé par Arcep
Le défi permanent, pour toutes ces grandes enseignes du numérique est de diffuser plus en consommant moins de données. Entre 2015 et 2020, Netflix a réduit ses débits de moitié, ce qui signifie qu'il faut aujourd'hui 50% de données en moins pour diffuser la même quantité et la même qualité de vidéo et de nouveaux progrès sont encore attendus dans ce domaine.
« Nos films et séries sont moteurs de la demande pour les réseaux et services des opérateurs, et nous coopérons pour optimiser le trafic et minimiser son impact sur le réseau. Nous avons maintenant plus de 75 points d’interconnexion en France en partenariat avec les opérateurs », explique un porte-parole de Netflix à l’AFP. « Entre 2015 et 2020, nous avons réduit nos débits de moitié - ce qui signifie qu’il faut aujourd’hui 50% de données en moins pour diffuser la même quantité et la même qualité de vidéo - et nous nous attendons à de nouveaux progrès dans ce domaine », souligne encore l’entreprise.
Une qualité de service satisfaisante
Sur la qualité de service, l’Arcep dresse un constat positif. En 2022, les pages Web sont affichées en moins de dix secondes dans plus de 96 % des tentatives pour l’ensemble des opérateurs, même si le chiffre descend à 84 % pour les zones rurales. Entre 97 et 98 % des SMS sont reçus en moins de dix secondes selon les opérateurs, contre 92 à 96 % en 2021.
L’Arcep note également que le déploiement du très haut débit se poursuit en France, avec plus de 30 millions d’abonnements fin 2022, dont près de 20 millions en fibre optique. Le taux d’équipement des ménages en smartphone atteint 87 %, et celui des objets connectés 40 %. L’autorité souligne toutefois que des disparités territoriales persistent, notamment entre les zones urbaines et rurales.
Un défi environnemental
L’Arcep consacre un volet important dans son rapport annuel à l’empreinte carbone du numérique. Cette dernière est répartie par composantes : 79 % de l’empreinte provient des équipements, soit la fabrication et l’utilisation des équipements grand public, 5 % du réseau fixe et mobile et 16 % des data centers (réseaux d’ordinateurs et d’espaces de stockage).
« Il en ressort qu’à horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel, l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45 % par rapport à 2020 », note l’Arcep, qui explique que « la consommation électrique pourrait quasiment doubler en 2050 par rapport à 2020 ».
L’autorité appelle donc à une prise de conscience collective et à une action coordonnée des acteurs du numérique pour favoriser la sobriété numérique, c’est-à-dire une utilisation raisonnée et responsable des ressources numériques. Elle propose notamment de sensibiliser les utilisateurs, de promouvoir les bonnes pratiques, de développer les écoconceptions, de renforcer le recyclage et la réparation des équipements, et de soutenir les initiatives vertueuses.
Les FAI UE demandent aux entreprises à fort trafic comme Netflix de financer la modernisation des infrastructures
Cette concentration du trafic internet pourrait redonner du souffle à une initiative des opérateurs télécoms européens qui veulent que les grandes enseignes américaines (comme Netflix, Google, Amazon et Meta) leur versent une compensation pour la part démesurée de bande passante qu'elles occupent sur leurs réseaux. Cette exigence des opérateurs européens ne date pas d'aujourd'hui, mais la bataille a atteint son paroxysme ces derniers mois et l'idée bénéficierait désormais d'un soutien politique dans certains pays de l'Union européenne. Toutefois, tous les régulateurs ne sont pas d'accord, et la manière dont ces frais d'accès au réseau fonctionneraient dans la pratique suscite de nombreuses inquiétudes.
Les États-Unis ne l'entendent pas de cette oreille. En mai, la National Telecommunications and Information Administration (ou NTIA), au nom des États-Unis, a déposé des réponses à plusieurs questions posées dans la consultation publique de la Commission européenne concernant les investissements dans les réseaux de communications numériques européens. Pour mémoire la NTIA est une agence du département du Commerce des États-Unis qui sert de principal conseiller du président des États-Unis pour les politiques de télécommunications relatives au progrès économique et technologique des États-Unis et à la réglementation du secteur des télécommunications.
« Imposer des paiements directs aux opérateurs de télécommunications dans l'UE en l'absence d'assurances sur les dépenses pourrait renforcer la position dominante sur le marché des plus grands opérateurs », indique l'agence. « Cela pourrait donner aux opérateurs un nouveau goulot d'étranglement sur les clients, augmenter les coûts pour les utilisateurs finaux et modifier les incitations pour les CAP/LTG [fournisseurs de contenu et d'applications et grands générateurs de trafic] à prendre des décisions efficaces concernant l'investissement et l'interconnexion du réseau. Il est difficile de comprendre comment un système de paiements obligatoires imposé uniquement à un sous-ensemble de fournisseurs de contenu pourrait être appliqué sans porter atteinte à la neutralité du net ».
Les fournisseurs européens de haut débit ont déclaré dans leurs commentaires qu'ils devraient être autorisés à exiger de nouveaux frais auprès des entreprises en ligne qui représentent plus de 5% du trafic de pointe moyen d'un FAI. Ils ont affirmé que l'Europe avait besoin « d'une contribution équitable basée sur un cadre permettant des négociations équilibrées entre les opérateurs de télécommunications et les grands générateurs de trafic qui tirent le meilleur parti des investissements dans les télécommunications, tout en créant une charge coûteuse avec leur trafic et en exerçant un pouvoir disproportionné sur les marchés ».
Les FAI européens ont plaidé pour des paiements directs des entreprises technologiques plutôt que de faire payer les entreprises technologiques à un fonds géré par le gouvernement qui distribuerait de l'argent aux FAI. Les paiements des entreprises technologiques aux FAI « devraient être basés sur des négociations commerciales inscrites dans un cadre qui oblige les parties à négocier », avec le soutien d'un tiers neutre pour résoudre les différends, ont déclaré les FAI.
Les États-Unis estiment que leurs entreprises investissent déjà énormément
L'administration Biden a souligné que les entreprises technologiques investissent déjà beaucoup d'argent dans les réseaux :
Les services Internet dépendent d'une infrastructure mondiale diversifiée qui s'étend bien au-delà des réseaux d'accès des utilisateurs finaux. Les CAP/LTG construisent et exploitent des réseaux, y compris de grands systèmes internationaux de fibre optique et de câbles sous-marins, qui fournissent des services et des applications populaires. Ils développent ou acquièrent du contenu, exploitent des centres de données et contractent d'autres obligations qui contribuent aux coûts totaux de l'écosystème.
La NTIA a expliqué que l'approche américaine du financement de la construction du réseau « implique des investissements privés, un fonds national de service universel et un financement public important provenant de crédits généraux ». Les États-Unis ont déclaré que ces « mécanismes de financement publiquement responsables », contrairement aux paiements obligatoires d'un ensemble d'entreprises à un autre, sont essentiels pour « éviter les mesures discriminatoires qui faussent la concurrence ».
Les États-Unis ont également averti que les paiements obligatoires seraient « non durables » si davantage de pays les adoptaient.
« Nous appelons à la prudence si l'UE envisageait de nouveaux mécanismes de financement susceptibles de perturber l'écosystème Internet actuel, qui s'est adapté avec succès à l'évolution des conditions technologiques et du marché au fil du temps », a déclaré la NTIA. « Le trafic Internet est mondial, ce qui soulève des questions quant à la capacité d'un pays à percevoir des revenus auprès de fournisseurs de contenu étrangers ; si de nombreux pays empruntaient cette voie, ce serait probablement insoutenable ».
Source : Arcep
Et vous ?
Êtes-vous surpris de voir une telle concentration du trafic internet français ?
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Comment évaluez-vous la qualité de service de votre opérateur internet ?
Quelles sont les mesures que vous prenez pour réduire votre empreinte carbone numérique ?