Des chercheurs néerlandais travaillant à l'institut de recherche quantique QuTech dans la ville de Delft, au sud-est de La Haye (Pays-Bas), ont construit le tout premier réseau quantique multinœud en parvenant à connecter trois processeurs quantiques. Les nœuds peuvent à la fois stocker et traiter des qubits (bits quantiques) et les chercheurs ont apporté la preuve que les réseaux quantiques sont non seulement réalisables, mais aussi capables d'être étendus pour fournir à l'humanité un Internet quantique. Ce nouveau réseau pourra donc voir le jour et continuera d'exister grâce à l'intrication quantique. Les résultats des chercheurs ont été publiés le 16 avril dans la revue Science.
C'est la première fois que plus de deux bits quantiques, ou "qubits", qui effectuent les calculs dans l'informatique quantique, sont reliés entre eux en tant que "nœuds", ou points terminaux du réseau. Les chercheurs s'attendent à ce que les premiers réseaux quantiques débloquent une multitude d'applications informatiques qui ne peuvent être exécutées par les dispositifs classiques existants, comme des calculs plus rapides et une cryptographie améliorée.
Lorsque cela se produira, le monde deviendra un endroit très différent. Grâce aux nouvelles capacités de calcul massives rendues disponibles par la puissance des particules subatomiques, des problèmes insolubles qui prendraient actuellement des années à être résolus à l'aide de superordinateurs classiques à base de puces seront résolus en quelques secondes. L'objectif ultime est de permettre la construction d'un Internet quantique mondial, dans lequel la mécanique quantique permettra aux dispositifs quantiques de communiquer et de s'associer pour créer de grandes grappes quantiques d'une puissance exponentielle, capables de résoudre à une vitesse énorme des problèmes actuellement insolubles.
« Cela nous permettra de connecter des ordinateurs quantiques pour obtenir une plus grande puissance de calcul, de créer des réseaux inviolables et de connecter des horloges atomiques et des télescopes ensemble avec des niveaux de coordination sans précédent », a déclaré Matteo Pompili, membre de l'équipe de recherche du centre QuTech. « Il existe également de nombreuses applications que nous ne pouvons pas vraiment prévoir. L'une d'entre elles pourrait consister à créer un algorithme permettant d'organiser des élections de manière sécurisée, par exemple ».
Les qubits, éléments de base des ordinateurs quantiques, existent dans un état quantique où, contrairement à l'informatique binaire traditionnelle où un bit représente la valeur 0 ou 1, les qubits peuvent exister simultanément sous forme de 0 et de 1. Les ordinateurs quantiques peuvent donc effectuer un nombre incroyable de calculs en même temps, mais, en raison de l'instabilité inhérente à l'état quantique, ils peuvent s'effondrer et disparaître dès l'instant où ils sont exposés à un environnement extérieur et doivent "décider" de prendre la valeur d'un 0 ou d'un 1. Il est donc fort possible que les calculs de qubits soient, ou non, fiables et vérifiables. C'est pourquoi de nombreuses recherches sont en cours sur les systèmes de correction d'erreurs qui garantiraient la véracité des résultats obtenus lors d'un calcul quantique.
Parlant de correcteur d'erreurs, le travail d’un étudiant de l'Université de Sydney, publié en avril dernier, pourrait avoir réalisé des avancées dans ce sens, raccourcissant le délai nécessaire pour réaliser des calculs quantiques évolutifs. En réalisant ce qui est décrit comme une modification "simple, mais ingénieuse" d'un code correcteur d'erreurs quantique étudié depuis plus de 20 ans, Pablo Bonilla Ataides, 21 ans, a fait une percée et attiré l'attention du monde entier.
« Le problème est que, contrairement aux réseaux classiques, vous ne pouvez pas amplifier les signaux quantiques. Si vous essayez de copier le qubit, vous détruisez la copie originale », a déclaré Pompili, faisant référence au "théorème de non-clonage" de la physique, selon lequel il est impossible de créer une copie identique d'un état quantique inconnu. « Cela limite vraiment les distances sur lesquelles nous pouvons envoyer des signaux quantiques à des dizaines ou des centaines de kilomètres. Si vous voulez établir une communication quantique avec quelqu'un à l'autre bout du monde, vous aurez besoin de nœuds relais entre les deux ».
Un Internet quantique grâce à l'intrication quantique
Selon les résultats des scientifiques, un Internet quantique verra le jour et continuera d'exister grâce à l'intrication quantique, une propriété physique remarquable par laquelle un groupe de particules interagit ou partage une proximité spatiale tel que l'état quantique de chaque particule ne peut être déterminé indépendamment de l'état des autres, même lorsque les particules sont physiquement séparées par de grandes distances.
En d'autres termes, les particules quantiques peuvent être couplées en une seule connexion fondamentale, quelle que soit la distance qui les sépare. L'intrication signifie qu'un changement appliqué à l'une des particules sera instantanément répercuté sur l'autre. Dans les communications Internet quantiques, les particules enchevêtrées peuvent transmettre instantanément des informations d'un qubit à son autre qubit enchevêtré, même si cet autre se trouve dans un dispositif quantique à l'autre bout du monde, d’après l’article de recherche.
Pour que cet état de fait souhaité se maintienne, l'intrication doit être réalisée et maintenue aussi longtemps que nécessaire. Il y a déjà eu de nombreuses démonstrations en laboratoire, généralement à l'aide de fibres optiques, d'un lien physique entre deux dispositifs quantiques, mais deux nœuds ne font pas un réseau. C'est pourquoi la réalisation de QuTech est si importante. Dans une configuration de système rappelant le rôle que jouent les routeurs dans un environnement de réseau traditionnel, les scientifiques néerlandais ont placé un troisième nœud, qui dispose d'une connexion physique entre les deux autres, permettant une intrication entre lui et eux. Ainsi, un réseau est né.
Ainsi, un nœud A possède deux qubits : un qubit de mémoire pour permettre le stockage d'un lien quantique établi avec un nœud B et un qubit de communication pour permettre un lien avec un troisième nœud C. Une fois que les liens avec les nœuds B et C sont établis, le nœud A connecte localement ses propres qubits. Il en résulte un réseau intriqué de trois nœuds et, les nœuds B et C sont par conséquent liés au niveau quantique malgré l'absence de lien physique entre eux. QuTech a également inventé le premier protocole de réseau quantique au monde, qui envoie un message aux chercheurs lorsque l'intrication est réussie.
Les défis à venir
L'étape suivante consistera à ajouter d'autres qubits à chacun des trois nœuds et à développer du matériel, des logiciels et un ensemble complet de protocoles qui constitueront les fondements d'un Internet quantique. Il s'agira d'un travail de laboratoire, mais le réseau sera ensuite testé sur des fibres téléphoniques opérationnelles dans le monde réel. Des recherches seront également menées pour assurer la compatibilité avec les structures de données déjà utilisées aujourd'hui.
Un autre problème à résoudre est de savoir comment permettre la création d'un réseau quantique à grande échelle en augmentant la distance à laquelle l'intrication peut être maintenue. Les chercheurs veulent également voir si leur système leur permettra d'établir une intrication entre Delft et La Haye, deux villes néerlandaises distantes d'environ 10 kilomètres.
« Pour l'instant, tous nos nœuds sont situés à une distance de 10 à 20 mètres les uns des autres », a déclaré Pompili. « Si vous voulez quelque chose d'utile, vous devez aller à des kilomètres. Ce sera la première fois que nous pourrons établir un lien entre de longues distances ».
Plus la distance de déplacement est grande, plus il est possible de déployer de dispositifs quantiques et de nœuds intermédiaires, et plus le réseau et l’Internet quantiques seront puissants et résilients. Cela permettra de nouvelles applications telles que la cryptographie quantique, les communications et le Cloud Computing, totalement sécurisées, privées et inviolables, la découverte de nouveaux médicaments et d'autres applications dans des domaines tels que la finance, l'éducation, l'astrophysique, l'aéronautique, les télécommunications, la médecine, la chimie et bien d'autres auxquelles on n'a pas encore pensé, d’après les chercheurs.
Source : Article de recherche
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Le , par Stan Adkens
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