Une information a fait la une des médias britanniques alors que la campagne électorale bat son plein pour des élections qui auront lieu le 12 décembre prochain. Comme promesse de campagne, le parti travailliste de l'opposition britannique a promis qu'il donnerait gratuitement le haut débit en fibre optique intégrale à tous les foyers et toutes les entreprises du pays s'il remporte les élections britanniques de décembre. Pour atteindre son objectif, le parti a déclaré qu'il nationaliserait une partie de l'entreprise de télécommunications britannique British Telecom, et introduirait de nouvelles taxes sur les géants technologiques de la Silicon Valley comme Apple et Facebook pour financer la maintenance du réseau, a rapporté BBC News.
En effet, les travaillistes s’engagent à fournir à tous les foyers et à toutes les entreprises du Royaume-Uni un accès gratuit à la large bande en fibre optique intégrale d'ici 2030, s'ils remportent l'élection générale. Le chancelier travailliste John McDonnell a déclaré à BBC News que le plan coûterait 20 milliards de livres sterling (25,74 milliards de dollars), mais qu'il garantirait que des vitesses Internet rapides seraient disponibles dans tous les coins du Royaume-Uni. « C'est visionnaire, je l'accepte, mais d'autres pays ont ces visions et nous n'en avons pas », a dit McDonnell.
Selon BBC News, le Royaume-Uni a pris du retard par rapport à ses concurrents dans le déploiement d'un réseau de fibres optiques – la norme d'excellence lorsqu'un câble à fibres optiques arrive directement dans votre maison – et loin derrière des pays comme l'Espagne, le Portugal et la Norvège. Les travaillistes promettent de rattraper le retard de la Brande Bretagne une fois qu’ils seront élus en décembre. BBC a rapporté vendredi dernier que l'annonce a surpris le monde des affaires et les actions de BT ont chuté de 3 % au début des négociations avant de remonter à environ 2 %. Le Premier ministre Boris Johnson a déclaré qu'il s'agissait d'un « projet fou ».
Les travaillistes nationaliseraient spécifiquement la division Openreach de BT, qui entretient une grande partie de l'infrastructure physique à large bande et téléphonique du Royaume-Uni afin de créer un réseau à l'échelle du Royaume-Uni appartenant au gouvernement. M. McDonnell a déclaré à BBC News que son plan de déploiement commencerait par les communautés qui ont le pire accès à large bande, suivies par les villes et les petits centres, et enfin les zones qui sont actuellement bien desservies.
Selon BBC News, le parti a prévu qu’au moment venu, les députés fixeraient la valeur de l'entreprise avant sa prise en charge par l'État par émission d’obligations d’Etats. M. McDonnell a également déclaré que le parti avait obtenu des conseils juridiques, notamment en veillant à ce que les fonds de pension qui investissent dans BT ne soient pas laissés pour compte. Le parti s’engagerait à ajouter 15 milliards de livres sterling (19,39 milliards USD) à la stratégie actuelle de 5 milliards du gouvernement conservateur en matière de large bande, en utilisant l'argent qui proviendra du Fonds pour la transformation verte proposé par ce parti.
Le nouveau plan prévoit l’indemnisation des actionnaires de BT sur la base des obligations d’Etats, tout en taxant les sociétés de technologie américaines telles que Apple et Google pour lever 230 millions de livres sterling (297,3 millions USD) par an afin de financer le fonctionnement de la nouvelle entité, British Broadband, qui gérerait le réseau et assurerait sa maintenance. Le plan des travaillistes est encore en cours d’élaboration, mais BBC News a été informée que la nouvelle taxe sur la Big Tech serait basée sur leurs bénéfices mondiaux et les ventes au Royaume-Uni, ce qui pourrait représenter jusqu'à 6 milliards de livres (7,7 milliards USD).
« Nous pensons qu'ils devraient payer leur part et d'autres pays font de même », a déclaré M. McDonnell.
La France a publié sa taxe sur le numérique appelée communément « Taxe GAFA » au Journal officiel en juillet dernier. Pour rappel, au début du mois de mars, la France a dévoilé son projet de loi qui permettrait d’instaurer une « taxe souveraine » de 3 % sur le chiffre d’affaires numérique réalisé dans l’Hexagone par les GAFA, à défaut d’un équivalent à l’échelle européenne. Cette nouvelle taxe GAFA adaptée au marché français devrait être rétroactive puisqu’entrant en vigueur à partir du 1er janvier 2019 et toucher « toutes les entreprises représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France ».
Les Etats-Unis n’ont pas tardé à qualifier la taxe, qui était soutenue auparavant par la majorité des 28 pays membres de l’UE avant que la France ne s’engage seule, « d’extrêmement discriminatoire à l’égard des multinationales basées aux États-Unis ». Mais le président Macron a annoncé en août dernier que l'administration fiscale française regarderait combien les entreprises ont payé avec la taxe GAFA, et combien elles auraient dû payer avec la formule de la taxe internationale. Et si jamais il y a une différence en défaveur des entreprises, elle procéderait à des remboursements.
Le déploiement de la large bande en fibre optique à tous les foyers et à toutes les entreprises coûterait plus de 40 milliards £ au lieu de 20 milliards £
Lors de son intervention à l’émission Today de BBC, Philip Jansen, directeur général de BT, a déclaré que le parti travailliste avait sous-estimé le prix de son engagement. Toutefois, il a dit que c’est tout heureux qu’il travaillera avec la personne qui remportera les élections pour aider à construire une Grande-Bretagne numérique, bien que le processus de mise en œuvre du plan travailliste ne soit pas « simple ». En effet, selon M. Jansen, l'impact de tout changement sur les pensionnés, les salariés, les actionnaires de BT, ainsi que les millions d'investisseurs via les régimes de retraite, devait être soigneusement réfléchi.
Selon BT, le coût du déploiement de la large bande en fibre optique à tous les foyers et à toutes les entreprises indiqué par le parti serait sous-évalué. Pour la société, ce déploiement en coûterait plus de 40 milliards de livres sterling que 20 milliards de livres sterling. Il faut aussi noter que M. McDonnell avait déclaré en juillet dernier qu'il n'avait pas l'intention de nationaliser le géant des télécoms, a rapporté BBC News. Julian David, directeur général de TechUK, qui représente de nombreuses entreprises technologiques britanniques, a déclaré : « Ces propositions seraient désastreuses pour le secteur des télécommunications et les clients qu'il dessert ».
Selon BBC News, les autres partis politiques ont aussi réagi à la proposition du parti travailliste. M. McDonnell a reproché au plan de financement des conservateurs pour l'amélioration du haut débit d’être « loin d'être suffisant » – ils ont promis 5 milliards de livres sterling pour apporter la fibre optique à chaque foyer d'ici 2025. Les conservateurs, à leur tour, affirment que le coût total du plan du parti travailliste serait de 83 milliards de livres (107, 28 milliards USD) sur 10 ans, au lieu des 20 milliards de livres réclamés par le parti travailliste, arguant qu'ils avaient largement sous-estimé le coût de la renationalisation d'une partie de BT, du déploiement du haut débit et du coût des salaires.
BBC News a rapporté qu’au Royaume-Uni, les forfaits à large bande coûtent en moyenne environ 30 livres sterling (38,78 USD) par mois aux ménages, selon le site de comparaison Cable. Le parti travailliste prétend qu'il « éliminerait littéralement les factures pour des millions de personnes à travers le Royaume-Uni ». Les Libéraux démocrates ont qualifié l'annonce des travaillistes d' « autre élément inabordable sur la liste des souhaits ». Quant au SNP, il a qualifié les plans du parti travailliste de « d’utopiques » et a déclaré que le gouvernement écossais investissait 600 millions de livres dans le haut débit.
Le nouveau plan de la large bande est peut-être réaliste, mais coûtera beaucoup plus cher en termes de dépenses de l'État, selon un analyste
Selon l’analyse de Rory Cellan-Jones, correspondant technologique à BBC, le plan des travaillistes est peut-être plus réaliste dans le temps, mais coûte beaucoup plus cher en termes de dépenses de l'État. Cette analyse est partagée par Boris Johnson qui, selon lui, le plan coûterait au contribuable « plusieurs dizaines de milliards ».
M. Cellan-Jones a dit également que le plan n’est pas clair sur ce qui se passera sur le marché du haut débit concernant la multitude d’acteurs du secteur qui ont vu le jour ces dernières années. M. McDonnell a déclaré que si d'autres fournisseurs de large bande ne voulaient pas donner accès au haut débit britannique, ils seraient également pris en compte par le secteur public. Mais selon Cellan-Jones, il est difficile de croire qu'après des années de plaintes au sujet de la concurrence étouffante de BT, les entreprises de fibre optique à large bande seront enthousiastes à l'idée de faire la concurrence avec un monopole d'État.
Dans un tweet, l'architecte en chef du réseau de BT, Neil McRae, a déclaré que « Les travaillistes planifient un communisme à large bande ! »
Selon Phil Mercer, journaliste à la BBC, un plan similaire en Australie n’a pas tenu toutes ses promesses. Le National Broadband Network (NBN), décrit comme « l'une des initiatives d'infrastructure les plus importantes et les plus complexes entreprises en Australie », était la promesse faite à tous les Australiens, qui se sont vu garantir l'accès à un nouveau système d'ici 2020.
Selon BBC News, plus de 6 millions de locaux sont déjà connectés, mais la qualité du service est aléatoire d’un foyer à un autre. Cette disparité serait due aux différentes méthodes que l'administration actuelle utilise pour distribuer l’Internet rapide – un mélange de technologies comprenant la fibre optique, les fils de cuivre, les fibres coaxiales hybrides (HFC), le sans-fil fixe et le satellite.
Cette proposition des travaillistes s’inscrirait dans le cadre d'un vaste programme de nationalisation que le parti compte mettre en œuvre dès qu’il gagnera les élections. Un certain nombre de services publics, y compris le réseau d'eau du Royaume-Uni, ses chemins de fer et le Royal Mail sont concernés. Bon nombre de ces industries ont été privatisées au cours des dernières décennies, à partir des années 1980, y compris BT, anciennement connue sous le nom de British Telecommunications, qui a été privatisée en 1984.
Selon un commentateur du sujet sur un site d’information sociale, il ne pense pas qu'une large bande nationalisée soit meilleure comme le décrit le parti travailliste. « Il y aura un service à la clientèle lamentable, un service réel lamentable ». Pour lui, « Bien qu'une infrastructure nationale ne soit pas une mauvaise idée en soi, elle doit comporter des incitatifs pour que les opérateurs et les travailleurs fassent réellement leur travail et le fassent correctement ».
Sources : BBC News
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Le parti travailliste britannique promet la large bande en fibre optique gratuite pour tous,
Et financée en taxant les géants de la Silicon Valley comme Apple et Facebook
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Le , par Stan Adkens
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