Ce mardi 29 octobre 2019 a marqué jour pour jour le cinquantième anniversaire de la naissance (29 octobre 1969) d’ARPANET, le tout premier réseau de transmission de données à distance, jetant ainsi les bases de l’Internet que nous connaissons aujourd’hui. La première interconnexion fut réalisée entre un ordinateur de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et un autre ordinateur situé au Stanford Research Institute. Ce premier exploit des scientifiques a permis d’envoyer le premier message de l’histoire par Internet.
En 1961, Leonard Kleinrock, alors étudiant au Massachusetts Institute of Technology (MIT), publia le premier texte théorique sur la commutation de paquets. Il venait de jeter les bases du principe de la commutation de paquets, la technologie sur laquelle repose l'Internet. Il développa la théorie mathématique des réseaux de données. Cela servira plus tard dans la naissance du premier réseau ARPANET, un réseau d’ordinateurs interconnectés destiné à faciliter les communications entre chercheurs de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA).
ARPANET vit le jour en septembre 1969 et l'ordinateur sur lequel Leonard Kleinrock travaillait au sein de l’UCLA en devint le premier nœud interconnecté. Le 29 octobre 1969, Kleinrock dirigea la transmission du premier message sur l'ARPANET. Il est aussi le responsable de la mise en œuvre des premiers moyens de mesure de l'ARPANET qui permirent d'en établir les limites de performance et d'en évaluer le comportement en charge. Le tout premier message envoyé à l’aide du nouveau réseau était « LO », mais c’était par inadvertance.
En effet, dans la soirée du 29 octobre 1969, les scientifiques avaient prévu d’envoyer le mot « LOGIN » de leur poste de travail dans la salle 3420 du Boelter Hall de l'UCLA à un terminal du Stanford Research Institute, mais une panne du système est survenue après qu’ils aient tapé les deux premières lettres. Le système s'est planté, mais pas avant les deux premières lettres, « LO » avait été envoyé. Peu de temps après, le réseau a été restauré, le message voulu a été transmis dans son intégralité et une nouvelle ère de connexion est née.
Au départ, ARPANET devait permettre aux institutions militaires et civiles de communiquer plus facilement entre elles. Mais ce projet, porté par des chercheurs idéalistes, va dépasser les frontières de la défense et de la recherche pour devenir ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Internet. Aujourd’hui, ce sont environ quelque quatre milliards d’êtres humains qui utilisent Internet, une chose que ces créateurs n’imaginaient pas au début. Pour ses scientifiques, au départ, il était difficile d’imaginer une telle évolution d’ARPANET, puis d’Internet.
« Au départ, il était simplement question d'économiser de l'argent et d'accroître la collaboration en partageant des ressources où les gens de chaque site ARPA (ARPANET) pouvaient se connecter et utiliser les ordinateurs d'autres sites », a déclaré Marc Weber, directeur de la conservation du programme d'histoire de l'Internet du Computer History Museum de la Silicon Valley. « Le besoin immédiat était le partage des ressources, l'objectif plus général était de faire œuvre de pionnier dans le partage de réseaux accessibles », a ajouté Marc Weber.
De son côté, Leonard Kleinrock a déclaré mardi qu’il n’avait pas du tout vu venir l’aspect réseau social et que son idée était simplement de faire communiquer deux ordinateurs entre eux ou faire communiquer les gens avec les ordinateurs. « Je n'avais pas du tout vu venir l'aspect réseau social. Je pensais faire communiquer les gens avec les ordinateurs, ou les ordinateurs entre eux, mais pas les gens entre eux », a déclaré Leonard Kleinrock, qui a eu 85 ans en juin. Pour les 50 ans de l’événement, il a aussi ouvert un autre laboratoire dédié à Internet.
Les équations et les schémas qui ont mené à l'Arpanet en 1969 sur un tableau noir au Boelter Hall de l'UCLA
Le nouveau laboratoire consacré à Internet est censé aider à lutter contre les problèmes imprévus qui ont surgi avec l'adoption du réseau à grande échelle. « En un sens, c'est une invention très démocratique, mais elle recèle aussi une formule parfaite pour le côté sombre de l'humanité. [...] Il y a tellement de choses criées en ligne que les voix modérées se retrouvent noyées et les points de vue extrêmes, amplifiés, répandant la haine, la désinformation et les abus », a-t-il fait remarquer. « En tant qu'ingénieurs, nous ne pensions pas aux comportements malveillants ».
Le nouveau laboratoire du nom de Connection Lab, qui est traduit littéralement par labo de connexion, se penchera sur des sujets tels que l'apprentissage automatisé des machines, l'intelligence artificielle, les réseaux sociaux, l'Internet des objets ou encore la blockchain, une base de données décentralisée et sécurisée, qui permet une traçabilité réputée inviolable. Leonard Kleinrock s'intéresse principalement à la possibilité d'utiliser la blockchain comme de mesure de confiance. Il est persuadé que la blockchain aidera à résoudre les problèmes actuels d’Internet.
Les internautes pourraient par exemple savoir, en lisant une critique de restaurant, si son auteur a publié des articles considérés comme fiables jusqu'à présent. « Ce serait comme un réseau de réputations constamment à jour », a expliqué Kleinrock. « Le défi c'est comment y arriver de manière éthique et responsable. L'anonymat est une arme à double tranchant, évidemment », a-t-il ajouté. Il regrette que les scientifiques de l'époque n'aient pas anticipé la nécessité d'intégrer des outils d'authentification des personnes et des données, dès la fondation d'Internet.
« Nous n'aurions pas évité la face obscure du réseau, mais nous aurions pu en atténuer l'impact que tout le monde ressent aujourd'hui ». Il garde tout de même une part d'optimisme. « Je crois tout de même qu'en fin de compte les aspects positifs l'emportent. Je n'éteindrais pas Internet, même si je le pouvais », a-t-il conclu. Cela dit, la création d’ARPANET s’est-elle faite exclusivement aux États-Unis ? Selon Valérie Schafer, historienne des réseaux et professeure à l’université du Luxembourg, l’histoire d’Internet se joue indéniablement aux États-Unis.
Cependant, dans le même temps, d’autres chercheurs européens commencent aussi à créer des réseaux. En France, l’Institut de recherche en informatique et en automatique est créé en 1966 par l’administration de Gaulle qui voulait doter la France d’une recherche et d’une industrie informatique indépendante. Selon Schafer, au sein de l’institut est lancé le projet de réseau Cyclades, qui partage énormément de points communs avec ARPANET, notamment l’idée d’un réseau ouvert qui fonctionne avec des machines de constructeurs différents.
Il sert les ambitions de la France de ne plus dépendre du matériel d’IBM et des autres constructeurs américains. Au micro du Figaro, Schafer a ajouté que l’équipe de développement de Cyclades va même envoyer un de ses chercheurs à Stanford, ce qui montre qu’Internet est né d’échanges internationaux, notamment de chercheurs français dont le travail était extrêmement novateur et qui ont donc été partie prenante des réflexions qui ont mené à la création d‘Internet.
Sources : UCLA, UPI, Fast Company
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