L’IPv4, pour Internet Protocol version 4, est utilisé depuis 1983 pour permettre à internet de fonctionner : chaque terminal sur le réseau internet (ordinateur, téléphone, serveur, etc.) est adressable par une adresse IPv4. Le protocole IPv4 offre un espace d'adressage de près de 4,3 milliards d'adresses IPv4. Or, le succès d'internet, la diversité des usages et la multiplication des objets connectés ont comme conséquence directe l'épuisement progressif des adresses IPv4, certaines régions du monde étant touchées plus que d'autres. Les quatre principaux opérateurs français (Bouygues Telecom, Free, Orange, SFR) ont déjà affecté entre 88% et 99% des adresses IPv4 qu’ils possèdent, à fin juin 2018.
En mars dernier, le RIPE NCC, le registre régional d’adresses IP, qui alloue les IP pour l’Europe et le Moyen-Orient, disposait encore de 5,23 millions d’adresses d’IPv4 publiques disponibles. En considérant la demande moyenne des adresses IP, l’organe a annoncé que la date prévisionnelle d’épuisement des adresses IPv4 pour l’Europe et le Moyen-Orient était fixée au 23 mars 2020. Mais quelques mois plus tard après cette première annonce et plus précisément le 10 septembre 2019, il ne restait plus que 1,54 million d’adresses IPv4 publiques disponibles au RIPE NCC. Face à cette évolution rapide de la demande en adresses IPv4, en septembre 2019, le RIPE NCC est revenu sur ses déclarations pour informer que la date probable pour l’épuisement des IPv4 était fixée au 6 novembre 2019. Jusqu’à cette échéance, le RIPE NCC allait donc continuer à attribuer 1024 adresses IPv4 aux LIR jusqu’à épuisement, puis créer une liste d’attente pour les plages IPv4 qui seraient retournées au RIPE NCC.
Au 2 octobre 2019, le RIPE-NCC a annoncé que le nombre d’adresses IPv4 en attente d'attribution est supérieur au nombre d’adresses IPv4 restantes (1,03 million au 1er octobre 2019). « Aujourd'hui, nous avons attribué le dernier de nos blocs d'adresses IPv4 contigus /22. Nous disposons encore d'environ un million d'adresses, sous forme de /23 et de /24, et nous continuerons de faire des allocations équivalentes à /22 composées de ces petits blocs. Dès que nous ne pourrons plus allouer l'équivalent d'un /22, nous annoncerons que nous avons atteint l'épuisement des stocks », a ainsi fait savoir l'organisme ce mercredi.
« Nous sommes ainsi rentrés aujourd’hui en pénurie. Une liste d’attente existe permettant de récupérer des adresses IPv4 rendues au Ripe NCC, mais peu d’adresses le sont. Internet ne cessera pas de fonctionner, mais de grandir. La transition vers IPV6 est une nécessité vitale », a informé l’Arcep, qui suit le sujet de près. Pour permettre une transition en douceur, le gendarme des télécoms a annoncé décider le 24 septembre d’initier la création d’une Task-Force IPv6, « co-pilotée avec Internet Society, pour associer les acteurs qui le souhaitent (opérateurs, hébergeurs, entreprises, secteur public, etc.) ». L’objectif, permettre aux participants à cet appel d’aborder des problèmes spécifiques et partager les bonnes pratiques afin d’accélérer la transition vers IPv6.
« La Task-Force se réunira deux fois par an à partir du second semestre 2019. Les personnes qui ont un retour d’expérience à partager ou bien qui ont l’intention de mettre en place IPv6 sont invitées à faire part à l’Arcep de leur intérêt via le formulaire suivant », précise l’Arcep.
Pour rappel, l’iPV6 doit à terme remplacer l’iPv4, qui ne peut pas générer suffisamment d’adresses. Grâce à des adresses de 128 bits au lieu de 32 bits, IPv6 dispose d’un espace d’adressage bien plus important que l’IPv4. Si le déploiement de ce nouveau protocole est relativement compliqué à mettre en place (nécessitant une période de transition avec la cohabitation des deux protocoles iPv4 et iPv6), Free mène la danse en France, mais ne laissera plus l’abonné choisir entre l’IPV4 et l’IPV6, comme c’était le cas jusqu’à présent.
Quelles conséquences de l’épuisement des IPv4 du RIPE-NCC ?
Le prix des IPv4 sur le marché secondaire de l’achat des adresses IPv4 déjà allouées, par lequel des acteurs qui ont trop d'adresses IPv4 les vendent à ceux qui n'en ont pas du tout ou pas assez, devrait considérablement croître, du fait d’une demande plus forte, pour une offre de plus en plus faible.
La ressource IPv4 devenant de plus en plus rare (plus d’acheteurs d'IPv4 et moins de vendeurs), le prix des adresses devrait s’envoler en fonction de l'offre et de la demande.
Ce prix élevé est susceptible d’ériger une barrière à l’entrée significative à l’encontre des nouveaux acteurs du marché et augmentera le risque de voir se développer un internet scindé en deux, IPv4 d’un côté et IPv6 de l’autre, comme l'explique Jérémy Martin, Directeur Technique de Firstheberg.com : « avec une demande croissante pour un nombre d’IPv4 fixes, le coût de location d'une IPv4 va doubler d'ici à 2 ans ».
Quelles seraient les conséquences éventuelles d'une pénurie d'IPv4 chez les opérateurs ?
Pour répondre à la pénurie des adresses IPv4, certains mécanismes de substitution ont été mis en place par des FAI. Les équipements Carrier-grade NAT (CGN) permettent par exemple partager une adresse IPv4 entre plusieurs clients. Cependant, ils entraînent aussi avec eux plusieurs effets négatifs qui rendent complexe le maintien d’IPv4 et quasi impossible un certain nombre usages comme le pair-à-pair (ou peer-to-peer), l’accès à distance à des fichiers partagés sur un NAS (serveur de stockage en réseau) ou à des systèmes de contrôle de maison connectée, certains jeux en réseau, etc.
Selon Gregory Mounier, d'Europol, « porte ainsi atteinte à la vie privée de nombreuses personnes qui pourraient être citées en procédure alors même que les enquêteurs ne s’intéressent qu’à un seul suspect. Dans ce contexte, seule une transition quasi totale à l’IPv6 peut constituer une réponse pérenne à ce problème ». Par ailleurs, un opérateur qui achète des adresses IPv4 à un acteur étranger prend le risque que ses clients soient pendant de nombreux mois localisés hors de France, bloquant ainsi de nombreux services.
Tout le monde peut y participer
Chacun peut, à son niveau, participer à cette transition, en activant IPv6 sur son mobile ou son ordinateur. Voici comment :
Fixe :
Free, Coriolis Telecom et Orne THD proposent de l'IPv6 systématiquement activé par défaut : vous n'avez rien à faire. Si vous êtes client d'un autre opérateur, activez l'IPv6 dans les paramètres de votre box. L'option IPv6 peut être présente, mais pas activée par défaut. Certains fournisseurs d’accès à internet ne proposent toujours pas d’IPv6 (l'option IPv6 n'existe pas). Si vous changez de fournisseur d’accès à internet, soyez vigilants et privilégiez un opérateur qui propose de l'IPv6.
Mobile :
Si vous êtes client Orange ou Bouygues Telecom, activez simplement IPv6 sur votre mobile Android : le réseau de ces deux opérateurs est 100% compatible IPv6 (IPv6 ready). Dans les paramètres => Connexions => Réseaux mobiles => Nom des points d'accès => modifier l'APN par défaut en basculant le "Protocole APN" d'IPv4 à IPv6. Les iPhone ne permettent pas à l'utilisateur de faire lui-même la modification d'APN : seul l'opérateur a la main sur ce paramètre.
Sources : RIPE NCC, Arcep
Et vous ?
Êtes-vous déjà passé à l'IPv6 en entreprise ?
Êtes-vous déjà passé à l'IPv6 chez vous ?
Sinon, quelles en sont les raisons ?
Voir aussi :
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Le , par Stéphane le calme
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