Le contenu haineux et terroriste en ligne est devenu plus que jamais le défit majeur à relever par les gouvernements et des plus grandes plateformes numériques. Plusieurs mesures importantes ont été prises ou sont en train d’être prises telles que le Forum mondial contre le terrorisme, les travaux en cours pendant la présidence française du G7 sur la lutte contre l'utilisation de l'Internet à des fins terroristes et extrémistes. Les événements de Christchurch ont une fois de plus mis en lumière la nécessité urgente d'agir et de renforcer la coopération entre les nombreux acteurs qui exercent une influence sur cette question, notamment les gouvernements, la société civile et les fournisseurs de services en ligne, comme les entreprises de médias sociaux, pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne.
Suite à cette fusillade de Christchurch, les plateformes de médias sociaux et les gouvernements ont redoublé d’efforts pour essayer de trouver des remèdes contre la propagation du contenu terroriste en ligne, et cette semaine a consacré un début de réponse concrète au phénomène qui gangrène depuis trop longtemps la toile. Dimanche, le Premier ministre néo-zélandais Jacinda Ardern a annoncé un nouvel engagement appelé « Christchurch Call » – du nom de la ville néo-zélandaise où un terroriste a filmé la mort par balle de 51 musulmans en mars dernier – qui appelle les plateformes technologiques et les gouvernements à adopter et à appliquer des lois pour supprimer les contenus extrémistes.
L’action de Christchurch contre l'extrémisme en ligne qui a été officiellement publiée mercredi porte la signature de plusieurs pays, y compris la France, l'Australie, le Canada et le Royaume-Uni, ainsi que des grandes entreprises technologiques comme Facebook, Twitter, Google et Microsoft. Mais cet engagement international de la part des gouvernements et des services en ligne n’a été signé pas les États-Unis.
En effet, dans une déclaration publiée le mercredi, la Maison-Blanche a dit qu'elle « sera aux côtés de la communauté internationale pour condamner les contenus terroristes et extrémistes » et a remercié M. Ardern et le président français Emmanuel Macron pour leurs efforts. Le gouvernement américain a déclaré qu'il « continuera à soutenir les objectifs globaux reflétés dans l'appel », mais il « n'est actuellement pas en mesure de se joindre à cet appel », selon la déclaration envoyée par courriel mercredi.
The Washington Post rapporte que l’administration Trump a déclaré que la liberté d'expression les empêchait de s'engager officiellement dans la plus grande campagne en ligne jamais menée contre l'extrémisme. Mais, ce n’est pas la première fois où les États-Unis étaient en désaccord avec certains de leurs alliés les plus proches.
L’appel de Christchurch a bénéficié du soutien des dirigeants du monde entier. Le Premier ministre britannique Theresa May, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le roi de Jordanie Abdallah II, ont signé l'engagement qui a été dévoilé mercredi lors d'une rencontre organisée à Paris par le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre néo-zélandais Jacinda Ardern. Amazon, Facebook, Google, Microsoft et Twitter ont également signé le document, qui les engage à travailler plus étroitement les uns avec les autres et avec les gouvernements pour s'assurer que leurs sites ne deviennent pas des canaux pour le terrorisme. Jack Dorsey, PDG de Twitter, était l'un des participants à la conférence.
Le Premier ministre néo-zélandais a dit dans une déclaration que le document avait pour but d'aider à prévenir une répétition des attaques de Christchurch. « Nous avons pris des mesures pratiques pour essayer d'empêcher que ce que nous avons vécu à Christchurch ne se reproduise », a dit M. Ardern.
Facebook, Google et Twitter ont mis du temps à retirer des copies de la vidéo macabre de leur plateforme, après les tueries de Christchurch, cependant, Facebook a déclaré avoir réussi à les retirées 29 minutes après son début. Selon The Washington Post, moins de 200 personnes ont regardé la retransmission en direct pendant l'attaque et en moins de 24 heures, les utilisateurs avaient tenté de retélécharger la vidéo sur Facebook plus de 1,5 million de fois. Environ 300 000 copies de ces vidéos sont passées inaperçues et ont été publiées sur le site avant d'être supprimées par les équipes de modération de contenu de Facebook et les systèmes conçus pour supprimer automatiquement le contenu, a rapporté The Washington Post.
C’est ce qui a provoqué une réaction internationale de la part des organismes de réglementation qui estimaient que les acteurs malveillants avaient trop facilement échappé aux défenses de la Silicon Valley. Par ailleurs, avant l'attaque, le tireur avait également publié un manifeste rempli de haine en ligne qui faisait référence à des massacres antérieurs.
Par ailleurs, le fait de ne pas retirer rapidement du matériel violent et odieux pourrait constituer un délit pour les plateformes de médias sociaux en Australie. En effet, l'Australie pourrait devenir le premier pays au monde à introduire des peines de prison et des amendes de plusieurs millions de dollars aux géants des médias sociaux qui n'enlèvent pas rapidement les contenus violents.
Le document signé par plusieurs gouvernements et sociétés du numérique n'était pas contraignant, mais reflétait la motivation des gouvernements à mettre fin à la prolifération sur Internet des messages, photos et vidéos haineux, contre lesquels Facebook, Google et Twitter luttent depuis un certain temps sans parvenir à les éradiquer de leur plateforme. Par leur signature, les gouvernements se sont engagés à lutter contre l'extrémisme en ligne, notamment par le biais d'une nouvelle réglementation, et à « encourager les médias à appliquer des normes éthiques lorsqu'ils décrivent des événements terroristes en ligne ».
Les entreprises ont convenu d'accélérer la recherche et l'échange d'information avec les gouvernements. Dans un communiqué commun, Amazon, Facebook, Google, Microsoft et Twitter ont déclaré : « Il est juste que nous nous unissions, résolus dans notre engagement à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour combattre la haine et l'extrémisme qui mènent à la violence terroriste ». Ce discours ne semble pas nouveau, mais dans tous les cas, ces sociétés se sont engagées mercredi à poursuivre un plan en neuf points de remèdes techniques conçus pour trouver et combattre le contenu répréhensible, y compris la mise en place de systèmes de déclaration des utilisateurs, de systèmes de détection automatique plus perfectionnés, d'un meilleur contrôle des vidéos en direct et d'un développement plus collectif des recherches organisées et des technologies que le secteur pourrait construire et partager.
Plus tôt ce mois-ci, Facebook a interdit les commentateurs d'extrême droite et les théoriciens du complot comme Alex Jones et Milo Yiannopoulos de ses plateformes, une mesure qui a suscité de vives critiques contre la société. Mardi, Facebook a également annoncé de nouvelles restrictions sur la retransmission vidéo en direct, destinées à répondre à l'appel de Christchurch.
Pour sa part, la Maison-Blanche a déclaré dans son courriel du mercredi : « Nous continuons d'être proactifs dans nos efforts pour lutter contre le contenu terroriste en ligne, tout en continuant à respecter la liberté d'expression et la liberté de la presse ».
La Maison-Blanche n'a pas vraiment expliqué pourquoi elle ne pouvait pas appuyer la déclaration internationale contre le terrorisme en ligne, mais le premier amendement semble être une préoccupation importante, rapporte le Washington Post. « Nous maintenons que le meilleur outil pour vaincre le discours terroriste est un discours productif, et nous insistons donc sur l'importance de promouvoir des récits crédibles et alternatifs comme le principal moyen de vaincre les messages terroristes », a déclaré l’administration Trump.
La décision de la Maison-Blanche de ne pas soutenir l'appel de Christchurch a suscité des critiques de la part de certains experts qui ont réclamé une réglementation plus stricte sur le Web. Alistair Knott, professeur d'informatique à l'Université d'Otago, en Nouvelle-Zélande, a déclaré que l'absence d'un appui américain pourrait miner l'argument mondial en faveur du contrôle de la propagation de la haine et de la violence en ligne, a rapporté The Washington Post.
L’engagement signé, place maintenant à l’action dans les pays signataires qui doivent mettre en place, au cours des mois à venir, de nouvelles mesures contraignantes afin de réduire, voire mettre fin à la prolifération des contenus terroristes et haineux en ligne. Mais vivement que les gouvernements ne se servent pas de cette déclaration comme un tremplin pour légitimer les pratiques obscures et essayer d’arrêter toutes les formes de discussions en ligne qui ne les arrangeraient pas. Au lieu de parvenir à un Internet libre, ouvert et sécurisé, outil puissant pour promouvoir la connectivité, améliorer l'inclusion sociale et favoriser la croissance économique, la répression contre la liberté d’expression contribuera plutôt à fabriquer de nouveaux terroristes.
Source : The Washington Post
Et vous ?
Que pensez-vous de la position de l’administration Trump vis-à-vis de « Christchurch Call » ?
Quel est votre commentaire sur cet engagement ?
Pensez-vous cet engagement conduira à mettre fin à la haine en ligne ?
Quel commentaire faites-vous des nouveaux engagements d’Amazon, Facebook, Google, Microsoft et Twitter ?
Que pensez-vous de l’absence d’appui des Etats-Unis dans l’accord ?
Lire aussi
Microsoft appelle à un plan de modération sectoriel après la fusillade de la Nouvelle-Zélande, et explique comment le mettre en place
L'Australie pourrait introduire des peines de prisons aux cadres dirigeants des médias sociaux, qui ne suppriment pas rapidement les contenus violents
Des politiciens se rallient derrière l'appel à la dissolution de Facebook lancé par son co-fondateur, le dénommé Chris Hughes
Chris Hughes, cofondateur de Facebook, appelle au démantèlement du RS : « le pouvoir de Mark Zuckerberg est sans précédent et anti-américain »
Des sénateurs américains souhaitent que les dirigeants de Facebook soient personnellement mis en cause, en cas d'abus commis par l'entreprise
Les États-Unis ne signeront pas l'appel de Christchurch contre l'extrémisme en ligne,
Mais continueront à soutenir ses objectifs globaux
Les États-Unis ne signeront pas l'appel de Christchurch contre l'extrémisme en ligne,
Mais continueront à soutenir ses objectifs globaux
Le , par Stan Adkens
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !